Sœur de la charité Nathalie Silantiéva dit ainsi de son service dans la communauté de la charité auprès de notre monastère: «On ne peut pas comparer une obédience au monastère à un travail laïque. Nous grandissons spirituellement ici». Nous avons demandé la sœur de nous parler de son arrivée à la communauté de la charité, de son obédience et de sa croissance en Dieu.
Vous effectuez votre service dans la communauté de la charité depuis un quart de siècle déjà. Comment a été votre arrivée à la communauté? Qu’est-ce qui l’a influencée?
Quand j’ai eu l’âge de 17 ans, Dieu m’a donné Sa grâce et m’a ouvert la beauté de l’Orthodoxie. Je venais tous les dimanches à la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul pour les offices Divins, je tâchais de communier chaque semaine.
En ce temps-là, les paroissiens faisaient l’arrangement et mettaient de l’ordre dans la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul après qu’elle avait été retournée à l’Église Orthodoxe. Je me suis jointe à eux. C’était aussi le temps de la fondation de notre communauté de la charité. Père André Léméchonok m’a dit un jour: «Tu peux venir chanter». Je ne savais pas chanter et j’ai décidé de faire mes études à l’école des catéchistes où j’ai fait connaissance avec sœur Olga, une personne modeste et sage. Dans les yeux d’Olga et d’autres gens j’ai vu la lumière et la beauté et j’ai voulu moi-même devenir meilleure.
En 1996, père André, ensemble avec les sœurs de la charité, était allé voir son père spirituel, le starets Nicolas Gourianov, dans l’île de Zalite. Ce voyage a influencé beaucoup ma vie dans l’avenir. Père Nicolas est sorti de sa maison et a béni chacune de nous: il a conseillé à certaines de penser à la vie monastique, à certaines d’autres de prier pour le futur mari. J’ai retenu bien les paroles qu’il a dites à moi: «Si tu vas te marier, marie-toi à l’église». J’avais 21 ans alors, de longs 17 années me restaient encore jusqu’à la connaissance avec mon époux.
Vers ce temps-là, je travaillais depuis cinq ans déjà au bureau de vente des billets de train. J’ai accompagné quelques fois des trains de voyageurs à Moscou, à Kiev, à Saint-Pétersbourg. On m’estimait dans le collectif, mais je me suis fixé un objectif: quitter un travail laïque pour travailler auprès de l’église. Père André a béni faire une quête pour des œuvres de charité de la communauté. En ce temps-là, on ouvrait les boutiques d’église, j’y avais mon obédience. La première demi-année, il a été très difficile, j’avais des doutes si j’avais bien fait d’avoir quitté le travail laïque. Je suis allée voir père Nicolas Gourianov pour lui demander son conseil. Le starets a béni travailler à l’atelier de couture qui venait d’ouvrir à notre monastère.
Parlez de votre service dans la communauté. Qu’est-ce qu’il vous a appris?
Au début, j’ai appris à coudre. J’apprenais de zéro au monastère Saint-Jean-le-Théologien dans le village de Domochany, ainsi qu’à Polotsk, au monastère de Sainte Euphrossynie. J’ai travaillé pendant onze ans à l’atelier de couture, dont trois ans j’en ai été la sœur responsable. Je confectionnais des mitres et des klobouks pour le métropolite Philarète, pour les prêtres et les moniales.
Pendant trois ans, l’atelier de couture du monastère s’est trouvé sur le territoire du service pour adultes qui souffrent de maladies neuropsychiatriques. Les patients venaient souvent à notre atelier, ils engageaient des conversations. Je me rappelle, je travaillais à l’atelier et je n’arrivais pas à exécuter une commande à temps. Chagrinée et fatiguée, je suis venue à l’église en l’honneur de la Bienheureuse Xénia de Saint-Pétersbourg qui avait été faite dans ce service, pour la lecture de l’hymne acathiste à la Sainte. Je me suis mise à genoux. Un habitant du service, Youra Mitskévitch s’est approché de moi et m’a relevée des genoux. Il a senti qu’il m’était difficile aussi bien moralement que physiquement...
Père André Léméchonok parlait beaucoup sur le service de charité dans l’établissement pour les personnes qui souffrent de maladies neuropsychiatriques, mais c’est maintenant seulement que j’ai compris le sens des paroles «il est plus heureux de donner que de recevoir» et j’ai commencé à rendre visite aux patients de ce service. Les infirmiers, ces grands travailleurs, se trouvaient avec les malades vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Sans se ménager, ils faisaient leur possible pous alléger la vie des habitants du service neuropsychiatrique tout en faisant un travail très difficile et en prenant soin des malades alités. Les infirmiers avaient eux-aussi besoin d’aide spirituelle. On leur parlait, on trouvait un écho dans leurs cœurs et on apprenait beaucoup nous-mêmes.
Vous avez choisi la vie dans le monde, en mariage. Que pourriez-vous dire à ceux qui rêvent au bonheur familial, mais ne peuvent pas trouver une âme sœur?
J’ai attendu ma seconde moitié pendant beaucoup d’années. Il y avait des moments où je ne croyais pas déjà avoir ma propre famille. Cependant la foi, la prière, la disposition d’entendre la volonté de Dieu et d’avoir confiance en Lui m’ont permis de trouver le bonheur dans la famille. Ça fait huit ans que nous sommes mariés et portons les fardeaux de l’un l’autre. J’ai réalisé comment il était important d’entendre la volonté de Dieu, de ne pas se hâter et de ne pas commettre une erreur.
Tout a commené quand j’ai fait la connaissance d’Alexandre, cela a été au bureau de vente des billets de train, après avoir fait mes études au lycée de chemins de fer. Alexandre était un militaire, lieutenant en ce temps-là, puis il a reçu le grade de capitaine, puis de commandant. Il pensait se marier avec moi, mais il a dit qu’il fallait d’abord faire bâtir un appartement.
Sept ans après, Alexandre a fait bâtir un appartement et m’a proposé de devenir sa femme. Quand des changements ont commencé à se produire dans mon âme et que j’ai voulu travailler au monastère, il a accepté cela. Il s’est ouvert un autre côté de l’homme que voulais épouser: il était un homme autoritaire, il aimait commander et ne venait pas à l’église. Il a dit un jour: «Je veux que tu sois toujours dans la joie. Je veux voir Nathalie que je connaissais avant».
J’avais peur de me tromper et j’ai décidé d’aller demander au père Nicolas Gourianov la bénédiction au mariage. Mais il n’a pas béni en disant: «Si je te donne la bénédiction à ce mariage, tu me feras des reproches pendant toute ta vie...» Peut-être que père Nicolas a vu que notre vie ne serait pas heureuse. De mon retour à Minsk, j’ai dit à mon ami que le père n’a pas béni notre mariage. Et j’ai commencé à attendre ma seconde moitié...
J’attendais, je croyais et je priais beaucoup d’années. Un jour, en mois de mai, un habitant du service neuropsychiatrique prénommé Nicolas, s’est approché de moi et a dit: «Cette année aura lieu ton mariage». J’ai cru ses paroles et une chaleur et une joie ont rempli mon âme.
Nous partagions le travail avec mon futur mari dans ce service. Je me rappelle, la veille de la Pâques, nous avons eu ensemble une obédience de décorer l’église pour la fête. On s’est vu pour la première fois lors de la lecture de l’hymne acathiste à Sainte Xénia de Saint-Pétersbourg. Pendant 17 ans, j’ai lu l’acathiste à Sainte Xénia en lui demandant de me délivrer du «mariage désagréable à Dieu» et de m’envoyer un mari.
Il m’a fait une proposition de mariage pendant une grande procession de la croix et quelques mois après, le 4 octobre 2013, père André Malakhovsky a célébré notre mariage dans une église du monastère. Nous avons décidé en ce jour-là de venir dans le service neuropsychiatrique, on voulait partager notre joie avec ses habitants. On voulait les remercier pour leur amour, leurs prières. La joie de ces gens a été très grande: «Il n’y a que des funérailles chez nous, mais voici un mariage!» Chacun a apporté son cadeau: certains un petite icône, certains d’autre une poésie. C’était inoubliable!
Après le mariage, l’habitant du service Nicolas, s’est approché de moi encore une fois et a dit: «Tu auras bientôt un enfant». Il a eu raison à nouveau. Nous avons aujourd’hui deux filles, Anne et Mélanie.
Comment votre service dans la communauté de la charité vous a aidé à grandir en Dieu et dans la foi?
Je suis heureuse que le Seigneur m’a donné la possibilité de travailler au monastère – à l’atelier de couture, dans le service neuropsychiatrique, dans la boutique d’église. Il place chaque personne là où il lui est utile d’être.
Peut-être que pour travailler dans une boutique d’église et rencontrer des gens, j’ai dû apprendre à avoir l’humilité et changer mon caractère. Quand on fait quelque chose à l’atelier de couture, il arrive après de le défaire et de recommencer le travail dès le début. Vingt personnes sont des gens différents, on acquérait la manière d’être les uns envers les autres et on grandissait ainsi. Il arrivait de pleurer et de rire.
Au temps quand je quittais le bureau de vente des billets de train, j’avais en moi une timidité. A l’atelier de couture, ainsi que dans le service neuropsychiatrique j’ai dû porter l’obédience de sœur responsable et je luttais pour prendre le dessus sur moi-même et pour surmonter mes complexes. Grâce à cela, j’acquérais une assurance de moi-même et il apparaissait une joie d’être utile à d’autres gens.
On ne peut pas comparer une obédience au monastère à un travail laïque. Nous sentons la liaison avec Dieu et grandissons spirituellement. Il est beaucoup donné à l’homme croyant, mais il est beaucoup demandé de lui. La sœur de la charité doit porter l’amour et la joie, elle doit ne pas juger l’homme, mais l’accepter tel qu’il est. Comme Dieu a cru que les gens pourront devenir meilleurs, il en est de même pour la sœur qui doit croire en l’homme qui est devant elle. Il doit y avoir une lumière dans ses yeux, la lumière qui devient un repère pour les gens