Je souffre en repensant à ma vie avant de venir au monastère: les souvenirs de mon passé sont encore lourds. Le chemin a été difficile, il y a eu beaucoup de péchés. Mais maintenant, j’ai la force d’aller de l’avant. Cela fait huit ans que je suis au monastère et je vois que je progresse. J’aurais aimé progresser davantage, et je remercie le Seigneur de m’avoir donné la compréhension de ce qui est nécessaire.
Mon père Arkady était un officier militaire. Il est maintenant décédé. Ma mère était éducatrice dans un jardin d’enfants. Nous avons vécu dans de nombreuses villes, maus aussi au Kazakhstan et dans la région de l’Oural. Nous ne nous sommes installés en Biélorussie que lorsque mon père a pris sa retraite à l’âge de 45 ans.
Pendant mon adolescence, j’ai appris brusquement de mes parents qu’ils m’avaient adoptée. Cela s’est passé lors d’une dispute. Nous étions à la campagne, chez la grand-mère. Ma maman me permettait de sortir avec des amis. Un jour, on m’a dit de revenir à la maison à une heure précise, mais je suis revenue tard parce qu’on était partis avec un garçon se promener en moto. Ils ne s’attendaient pas à ma désobéissance et, en accès de colère, il a été dit: "Quand nous t’avons adoptée, nous ne nous attendions pas à ce que tu sois ainsi." Maintenant, je comprends comment mes parents étaient inquiets ce soir-là, mais j’ai été choquée alors. Je ne pouvais pas y croire. Il s’est avéré après que tout le monde savait au village. Notre voisine me l’a dit.
Cet incident a coïncidé avec une période difficile d’adolescente. J’étais têtue et rebelle. J’ai commencé à faire la fête, j’étais absente à la maison pendant des jours entiers. Finalement, mes parents m’ont dit: "Quand tu auras dix-huit ans, tu peux alors partir et vivre comme tu le sais." Je ne voulais pas comprendre en ce temps-là que mes parents faisaient tout leur possible pour m’aider, et quand j’ai eu dix-neuf ans, je suis partie. J’ai fait mes valises et je leur ai laissé un mot que je partais apprendre sur mes propres fautes. Je me rendais compte que si on ne faisait pas ses études dûment, on devait donc travailler dur pour pouvoir vivre de façon indépendante.
Je me suis mise à la recherche d’un travail qui m’offrirait de la nourriture, un bon salaire et de nombreux jours de congé. Le Seigneur m’a donné ce que je voulais. Mon emploi du temps était ainsi: 24 heures de travail, puis trois jours de repos. J’avais un bon salaire. C’était dans un établissement de soins de longue durée pour les personnes âgées à Nesvizh. C’était un grand établissement avec plusieurs bâtiments; il y avait des services pour des patients avec des maladies graves. Je n’ai jamais vu rien de pareil avant. J’ai pensé que je devais réussir malgré les difficultés et c’est ainsi que mon travail a commencé. On prenait soin des patients: on les lavait et nourrissait - ils étaient comme des petits enfants. J’y ai travaillé pendant cinq ans. Je travaillais dur. Parfois, cependant, je me relâchais. Il arrivait que je venais en retard après une soirée ou que je ne venais pas du tout.
Je sentais que le Seigneur adoucissait mon cœur en me laissant m’occuper de ces personnes. Certains avaient été abandonnés par leurs enfants, il y avait des handicapés et ceux qui venaient de prisons. Après deux ou trois ans, j’ai commencé à les plaindre. Tous les gens dont je m’occupais, sont devenus pour moi comme une famille. J’ai pris conscience de ma responsabilité envers eux et j’ai essayé de les aider autant que je le pouvais.
J’ai également essayé à plusieurs reprises de faire la paix avec mes parents. Je me suis présentée devant leur porte et j’ai sonné. Ils ont ouvert la porte, mais en me voyant, l’ont refermée immédiatement. J’ai compris que la réconciliation n’aurait pas lieu encore, si fort je les avais offensés.
J’ai rencontré un jeune homme et nous nous sommes mariés. Il était bien, il m’aimait beaucoup, mais moi, je lui ai simplement gâché la vie. J’ai pleuré à mon mariage parce que je ne l’aimais pas. Je comprenais qu’il était très bien et que je serais en sécurité avec lui. J’ai vu quelque temps après que ce n’était pas suffisant pour moi. J’essayais de combler ce manque ailleurs.
Je continuais à travailler à l’hôpital lorsque j’ai entendu un appel du Seigneur. Cela s’est produit après une de mes mauvaises aventures, alors que j’étais partie le soir. Je me suis réveillée le matin et je me suis dit: "Je suis fatiguée par ce genre de vie. Que vais-je encore dire à mon mari? Si je ne l’aime pas, pourquoi donc je l’ai épousé?"
Le temps passait. C’était l’hiver. Je marchais dans la rue, un vent froid me soufflait sur le visage. Mon âme souffrait. J’ai réalisé que j’avais besoin, sans remettre à plus tard, de parler à un prêtre. Je suis allée à l’église pour chercher le prêtre. Mais c’était une petite ville où l’on ne sert l’office Divin que le week-end. C’était le début de la semaine et j’ai compris que je ne le trouverais peut-être pas là. Mon obstination a joué son rôle, et j’ai été résolue à trouver un prêtre. J’avais besoin de me confesser. Et voici que je suis arrivée vers l’église.
Les portes étaient fermées. Une vieille dame passait par là et je lui ai demandé si elle savait où trouver le prêtre. Elle m’a conseillé d’aller chez lui, en prévenant que c’était au bout de la ville et que je devais traverser le parc à pied. J’y suis allée et ai trouvé sa maison. J’ai sonné. Sa femme a ouvert la porte. Elle avait le visage d’une sainte. Ne pouvant pas dire un mot, j’ai pleuré. "Tu as péché?" m’a-t-elle dit chaleureusement. - "Oui, et j’ai besoin de voir le prêtre." - "Il est parti baptiser un enfant." Je suis retournée à l’église, j’ai trouvé père Alexandre et je lui ai dit ce que j’avais dans mon âme. "Allons maintenant vers le lutrin avec l’icône du Sauveur et prions ensemble pour que votre situation soit résolue", a-t-il proposé. Nous avons prié. Je suis sortie de l’église avec le sentiment que tout allait s’arranger. Je suis revenue chez moi soulagée, comme si j’avais des ailes.
Père Alexandre m’a parlé des sacrements et m’a demandé de venir régulièrement à l’église. J’ai commencé à venir aux offices Divins, mais j’étais trop impatiente - je n’arrivais pas à rester jusqu’à la fin de l’office. Je venais, je posais une bougie et je m’en allais. J’ai demandé au père Alexandre: "Comment puis-je apprendre à rester jusqu’à la fin de l’office?" Il a répondu: "L’ennemi vous fait fuir. Trompez-le!" - "Comment?", j’ai demandé. - "Quelle partie de l’office vous plaît le plus?" - "Le "Notre Père" - Père Alexandre a dit: "Dites-vous: "Je resterai jusqu’à cette prière, puis je partirai." Après la prière, dites: "Je resterai jusqu’à la suivante prière et je partirai." J’ai suivi son conseil et je suis restée ainsi pendant tout l’office. C’était ma première liturgie complète. J’ai communié sans comprendre, ayant simplement ouvert la bouche.
J’ai trouvé le calme pour mon âme à l’église. J’ai commencé à aller parler au père Alexandre régulièrement. Il ne faisait jamais la morale. Il était alors plus proche que les parents. Je pouvais lui dire des choses que je ne pouvais pas dire à ma mère et à mon père. Il couvrait tout cela avec son amour.
Quant à mon mari, je n’ai pas pu rester avec lui. Je pensais que quand on prend patience, l’amour viendra plus tard. Mais nous avons dû divorcer.
Je suis partie à Moscou pour y trouver un travail. J’ai trouvé un travail dans une maison de repos pour les personnes VIP, au milieu d’une forêt. J’ai été bien rémunérée. J’ai eu l’idée d’entrer à l’université de la culture. J’y suis entrée et ai commencé à apprendre le chant.
Mais le Seigneur est intervenu dans mes projets. Je suis tombée gravament malade, je me suis trouvée à l’hôpital et j’ai été opérée. Après l’opération, les médecins m’ont dit que je n’aurais pas d’enfants. Tout a changé à ce moment. Je me suis interrogée sur ce que je voulais atteindre dans ma vie: une carrière dans le show-business, l’argent, la célébrité - avaient-ils une importance pour moi? Je suis allée dire à mon professeur que je quittais mes études.
Pendant mon séjour à Moscou, je venais parfois vénérer les reliques de Sainte Matrona de Moscou. Lors d’une de mes visites, j’ai vu un disque avec les chants de la moniale Juliania. Je l’ai acheté. Pour la première fois, je me suis acheté un disque de musique religieuse. Il s’appelait "Chant attendrissant". Je l’ai écouté en boucle. Sur la pochette, il était écrit qu’il avait été enregistré à Minsk. Je me suis dit que ce serait bien d’entendre la chorale en concert. Un an plus tard, je suis retournée au Bélarus et je venais déjà au monastère Sainte Elisabeth pour les écouter au festival de chœurs d’église "Voix souveraine". Mon souhait s’est réalisé - j’ai entendu la chorale de la moniale Juliania et j’ai eu beaucoup de joie.
Lors d’une de mes visites au monastère, j’ai remarqué une annonce d’embauche. Le monastère cherchait des travailleurs pour l’atelier de reliure. J’ai téléphoné et on m’a invité à un entretien. Mon premier jour de travail a passé très vite. J’ai compris que j’ai trouvé un foyer à moi. Mon âme s’est calmée.
J’ai commencé à penser à la vie monastique. J’ai décidé de me confier à la volonté de Dieu. Le père André Léméchonok est devenu mon confesseur et j’ai cru que par son intermédiaire, le Seigneur me dirait si je devais rester dans le monde ou choisir le monachisme. Le père André n’a pas dit d’une manière précise. Il m’a simplement demandé: "Qu’est-ce qui te retient dans le monde?" Cela m’a suffi. J’ai pris cela pour la bénédiction Divine.
Je me souviens être arrivée à ma première réunion des sœurs moniales. Tout le monde en habits noirs. L’ennemi a encore suggéré une pensée: "Qu’est-ce que tu fais là?" Mais ma fermeté m’a aidé une fois de plus: "Non, je reste jusqu’à la fin".
Finalement, la réunion était terminée. On m’a donné les vêtements noirs, on m’a montré ma cellule que j’allais partager avec sœur Tamara, on m’a dit de me préparer à la confession. Je me suis mise à pleurer. Sœur Tamara était perplexe, elle ne comprenait pas pourquoi je pleurais. Je me suis calmée un peu et j’ai dit: "Ça doit être mon passé qui me pèse".
Pendant de nombreuses années, j’avais une douleur dans mon âme: pourquoi je n’avais pas mes parents, comme tout le monde? Une question que je me posais, mais qui était, en fait, adressée à Dieu. Quand ma mère m’a demandé comment j’allais au monastère, je lui ai répondu que si j’avais su qu’il y serait si bien, j’y serais venue après l’école. Le Seigneur m’a fait passer par de nombreuses épreuves: Il m’a permis de voir les gens et de me voir moi-même parmi les gens. Mais si j’étais entrée au monastère à l’âge de 20 ans, je ne serais probablement pas restée. Dieu m’a amenée à 37 ans. C’était mon chemin, donné par Dieu et j’ai dû le suivre".
Après avoir reçu la bénédiction de devenir moniale, je suis venue chez mes parents, portant un foulard noir. J’ai été très impressionnée par ce que mon papa a dit. Il avait été officier militaire et il avait servi avec distinction. Il m’a dit: "Tu sais que c’est déjà jusqu’à la fin. C’est comme un service militaire. Ce n’est pas un travail, mais un service. J’ai servi avec honneur. Sers dignement toi aussi."