La sœur Alevtina Daniluk fait partie de notre famille depuis plus de quinze ans. En tant que sœur laïque, elle a tenu des stands de monastère avant de recevoir la bénédiction pour sa mission auprès des enfants handicapés en soins de longue durée. Qu'est-ce qui l'a amenée au monastère ? Comment ses obédiences ont-elles favorisé sa croissance spirituelle? La sœur Alevtina le raconte dans cette interview.
La rencontre avec Dieu et le chemin vers le monastère Sainte-Elisabeth
J'ai toujours senti la présence de Dieu depuis mon enfance, mais je ne suis venue à l'église qu'à l’âge adulte et je n'assistais aux offices qu'à l'occasion. Tout a changé en 1992 lorsque j'ai rencontré mon mari, un officier de l'armée. Il était croyant. On parlait de Dieu dans sa famille, il y avait une icône de la Mère de Dieu à la maison. Cependant, il ne parlait pas de sa foi aux autres parce qu'il était un officier de l'armée. Six mois plus tard, il m'a demandé de l'épouser et je l'ai suivi au Belarus.
Mon premier souhait à mon arrivée a été d'aller à l'église. Nous vivions à proximité de l'église Sainte-Marie-Madeleine et nous sommes allés à la veillée de la Nativité avec mon mari. J'ai eu ma première confession et ma première communion à la cathédrale des Saints Pierre et Paul. J'ai ressenti une grande joie. J'ai continué à assister aux offices, aux acathistes et aux entretiens du père André Léméchonok avec les paroissiens. J'ai trouvé la paix et le calme et j'ai appris à être plus compatissante.
Un jour, après l’acathiste à la cathédrale Saint-Pierre-et-Paul, une sœur a demandé si quelqu'un voulait la joindre pour une rencontre avec le père André au monastère Sainte-Elisabeth. La plupart des gens sont partis, alors j'ai dit: "J'aimerais y aller". C'était le printemps, et le monastère était magnifique. Après la rencontre, le père André a demandé des volontaires pour travailler à une exposition. Je me suis proposée. Je voulais travailler pour Dieu.
A l'exposition, je faisais des crêpes. J'étais en tenue de soeur laїque. Quand mon mari m'a vue, il était très heureux que j'aie trouvé mon chemin vers Dieu. À ce moment-là, j'avais l'impression que Dieu m’a touchée. J'ai toujours le même sentiment lorsque je mets mon habit de soeur pour aller travailler. J'espère que cela va durer.
‟Les contes nous aident à mieux connaître nous-mêmes”
Dans mon enfance, j'adorais les contes et les légendes - elles remplissaient tout mon univers. Elles me donnaient le sentiment de la présence de Dieu et de Sa protection contre les dangers du monde. Les bonnes histoires sont très thérapeutiques et nous aident à mieux connaître le monde et nous-mêmes. Elles améliorent notre mémoire, notre imagination, nos capacités d'expression et de réflexion.
J’ai toujours aimé les enfants et voulu travailler avec eux à l'âge adulte. Lorsque je n'avais que dix ans, j'avais l'habitude de rassembler autour de moi des enfants pour leur raconter quelque chose d'excitant. Parfois, je leur racontais les nouvelles que j'avais entendues à la télévision. Ils m'écoutaient toujours avec beaucoup d'intérêt.
Lorsque j'ai terminé l'école, je suis entrée au collège pédagogique et a commencé à travailler dans un jardin d'enfants. Je lisais aux enfants des contes et nous nous réjouissions tous de la victoire du bien sur le mal. C'était étonnant de voir comment les histoires leur ouvraient les yeux sur la beauté de ce monde et leur apprenaient la sympathie et la compassion.
Je travaille toujours en tant que psychologue dans un jardin d'enfants; nous lisons et jouons des contes où chaque enfant aide un personnage de l'histoire d'une manière ou d'une autre – il faut construire une tour, tracer un chemin ou faire une devinette. Ces techniques se sont avérées très utiles dans mon travail avec les enfants handicapés.
L’obédience à l’internat pour enfants handicapés
En 2009, le père André Léméchonok m'a donné la bénédiction pour mon obédience à l’internat pour enfants handicapés. À partir de ce moment, mon service auprès de ces enfants est au cœur de ma vie.
Les enfants dont je m'occupe sont atteints du syndrome de Down. Ils ont de grands talents artistiques. Ils sont très doués pour le théâtre, le chant et la peinture. Nous lisons des contes et mettons en scène des pièces basées sur ces histoires. Un groupe théâtral amateur existe dans l'institution pour les adultes. Leurs spectacles comprennent beaucoup de chant et de danse.
Mais les talents des enfants ne se limitent pas aux arts. Ils peuvent atteindre une proximité exceptionnelle avec Dieu. Lorsque nous les emmenons en fauteuils roulantsà l’église, leurs visages rayonnent de joie. Les offices ont lieu dans l'église Saint Nectaire d'Égine sur le territoire de l’internat. Les enfants participent aux Saints Sacrements le samedi, et nous lisons un acathiste chaque vendredi.
J'ai aussi remarqué chez mes enfants l'incroyable don de clairvoyance. Au milieu d'une séance de dessin, nous avons chanté ensemble un chant à sainte Xenia de Saint Petersbourg. Soudain, une fille a dit: ‟Sainte Xenia vient de descendre du ciel sur un fil de soie et a touché nos têtes avec sa canne. Elle est partie dès que nous avons fini de chanter”. La fille ne savait pas que de son vivant sainte Xénia se promenait à Saint-Pétersbourg avec une canne.
Mais leur plus grand don est celui de l'amour. Ils peuvent avoir leurs mauvais moments ou être contrariés de temps en temps, mais ils font preuve d'une sympathie et d'une compassion exceptionnelles. Nous venons les réconforter, mais ce sont eux qui nous réconfortent, nous donnent d'innombrables câlins et baisers. Il faut avoir un grand cœur où repose le Seigneur pour donner autant d'affection aux autres.
La correspondance avec des femmes détenus
Pendant trois ans, j'ai accompli une autre tâche importante: j’ai écrit des lettres aux femmes détenues. Je leur ai envoyé des icônes, des calendriers et livres religieux. Les détenues d'un établissement pénitentiaire pour femmes écrivaient à la sœur Barbara (Atrasevich) qui est responsable de notre centre d’accueil pour femmes. Elles lui demandaient une orientation spirituelle et des conseils. Comme elle ne pouvait pas répondre à toutes les lettres, elle m'a demandé d'écrire à cinq détenues. Je leur ai parlé du monastère et du centre d’accueil. Je leur ai raconté les histoires des prêtres qui avaient été dans des camps de prisonniers sous Staline mais qui avaient enduré leurs épreuves dans la prière et la foi en Dieu.
La plupart des femmes en prison rêvent de leur foyer, de leur famille et de leurs enfants. Certaines sont croyantes. L'une de mes correspondantes a même chanté dans une chorale d'église avant la prison. Toutes ont ressenti la proximité de Dieu et m'ont raconté comment Il leur est venu en aide lorsqu'elles ont prié. J'espère que ces femmes ont réussi à reconstruire leur vie.
‟Je demande à Dieu de me donner de l'amour pour les autres”
Au monastère, j'ai appris à voir la beauté dans les gens. J'ai compris cette vérité spirituelle fondamentale: une faiblesse que tu remarques chez quelqu'un d'autre est en fait la tienne. C'est la façon dont Dieu te montre ton vrai toi. Le problème d'une autre personne n'est pas le sien, c'est le vôtre. Et nous devons nous repentir des péchés que nous remarquons chez les autres.
Dans mes prières, je demande toujours à Dieu de me donner de l'amour pour les autres. Avec le don de Son amour, je suis devenue plus indulgente envers les autres sœurs et les membres de ma famille. Par exemple, je comprends que mon enfant a tort, mais si je ne viens pas vers lui l'embrasser et lui demander pardon, le conflit va durer. Quand il y a la paix, nous pouvons trouver une solution constructive.
Le monastère et la communauté de soeurs sont ma vie qui a changé depuis mon arrivée ici. Je me suis rendu compte que les personnes que j'ai rencontrées dans ma vie m’ont été envoyées par Dieu pour une raison précise. Au fil des jours, des saisons et des années, notre vie change. Nous devons accepter ce changement, apprendre à aimer les autres tels qu'ils sont et prier pour eux. Nous sommes le Corps du Christ. Comment pouvons-nous être ensemble dans la vie éternelle sans porter les fardeaux des autres et trouver la compréhension entre nous dans cette vie?