Avant de rejoindre le monastère, la religieuse Maria (Litvinova) avait obtenu un diplôme de candidat en médecine ainsi que le titre de maître de sport en gymnastique rythmique. Elle organise au monastère des expositions et gère la chaîne you-tube sur la santé et le bien-être, populaire auprès de notre public russophone. Elle voyage beaucoup et donne des conférences aux divers publics. En tant que médecin, elle conseille les gens sur la façon de rester en bonne santé et de réagir à la maladie. Le sujet de notre entretien avec elle aujourd'hui est l'attitude chrétienne à l’égard de la santé, et sa pertinence dans le monde d'aujourd'hui.
Un médecin, une religieuse, la présentatrice d'une chaîne youtube populaire, le héros d'un documentaire et un orateur public. Ne trouvez-vous pas que toutes ces charges c’est un peu difficile?
Je ne pense pas que ce soit inhabituel. Il est normal d'être polyvalent. Le plan de Dieu pour nous est de donner à chacun une variété de talents et que chacun les utilise au maximum. Notre vie est pleine de surprises, et nous avons toujours l'occasion d’appliquer nos talents. Aucune capacité ou compétence n'est futile ou accidentelle. Je le sais très bien grâce à l'expérience de ma vie.
Par exemple, je jouais de l'accordéon à l'école et j'ai terminé la classe d'accordéon avec distinction. Mon professeur de musique m'a dit que je pouvais m'attendre à une brillante carrière musicale. Mais mon professeur de russe me voyait comme une enseignante. Quant à moi, je voulais devenir médecin et j'ai fait des études de médecine. J'ai également obtenu le titre de maître de sport en gymnastique rythmique.
Dans ma vie, je m'attendais à pouvoir utiliser seulement certains de mes talents. Mais finalement, toutes mes compétences et tous mes talents se sont avérés utiles. Après avoir travaillé pendant six ans comme médecin, je me suis spécialisée dans la médecine sportive. Le fait de travailler comme médecin et d'élaborer un programme d'exercices pour l'équipe nationale de gymnastique a mis à l'épreuve mes compétences de médecin et d'enseignant.
La chimie était ma matière préférée à l'école. J'étais loin de penser que j'allais travailler pendant 30 ans à la recherche sur la biochimie du sport. Enfin, alors que j'étais au monastère, j'ai été invitée à jouer dans un orchestre, et je m'en suis bien sortie.
Vous avez trouvé une grande utilité à vos talents dans le monde. Avez-vous eu des échecs ? Et comment vos succès et vos échecs vous ont-ils amenée à devenir moniale?
Dans ma vie mondaine, certains moments apparaîtraient pour beaucoup comme des échecs. Je ne me suis jamais mariée et j'en étais contrariée. Je n'ai pas d'enfants et cela me rendait triste. Cela m'a poussé à réfléchir si le monachisme me convenait, mais aucune des raisons ne m'a amenée ici. Il y a beaucoup de femmes sans enfants et jamais mariées, mais peu d'entre elles deviennent moniales.
Ma venue ici avait été préparée par toute ma vie et tous les événements qui la composent. Par exemple, mon entraîneur de gymnastique avait rejoint la communauté laïque de la charité en l'honneur de Sainte Elisabeth. Elle m'a fait connaître le monastère et m'a demandé de l'aider aux certaines obédiences. Je suis venue, puis j'ai rejoint la communauté et finalement j'ai reçu la tonsure monastique.
Le chemin qui m'a conduit ici est une histoire de recherches et de découvertes de sens dans ma vie. J'ai appris à ne pas considérer les événements de ma vie comme des réussites ou des échecs. Ce que j'ai d'abord cru un échec, cela s'est avéré plus tard providentiel et a permis ma croissance spirituelle et l’avancement vers mon salut. J'ai également compris qu'il ne faut pas s’attribuer ce qui nous apparaît comme une réussite. Pour moi, le fait de venir au monastère était un pas vers mon avancement spirituel. C'était aussi nécessaire que logique. Cette compréhension a rendu clair la vision de ma vie et de ses objectifs. Elle m’a aussi donné une grande joie.</p?
Comment ces leçons de vie que vous venez de mentionner influencent-elles la compréhension de la santé que vous avancez dans votre chaîne?
Elles s'appliquent pleinement à la santé et au bien-être. Dans tout ce qui nous arrive dans notre vie, nous devrions voir plus l’action de Dieu que nos propres efforts et œuvres. Nous devrions aussi voir nos maladies moins comme des malchances mais plus comme des étapes sur le chemin de la vie. Permettez-moi d'expliquer ce que ces leçons peuvent signifier pour nous en examinant certains points de vue séculiers sur la santé et la maladie. Il est assez courant de comprendre la santé essentiellement comme un bien-être physique.
Nous nous considérons en bonne santé si rien ne nous fait mal et si tous nos examens sont dans la norme. Nous nous considérons d’habitude comme maîtres de notre vie et, de même, comme maîtres de notre santé. Si nous allons dans la salle de sport, si nous nous nourrissons sainement, si nous visitons régulièrement le médecin, nous sommes donc presque certains de rester en bonne santé et de ne jamais être malades. Pourquoi avons-nous besoin de la santé ? Nous en avons besoin pour vivre une vie agréable, satisfaisante et plaisante, ce dont ne pourraient jamais bénéficier les personnes en mauvaise santé.
Lorsque nous tombons malades, nous le voyons comme une malchance personnelle et une cause d'amertume. Nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes malades alors que nous avions pris soin de notre santé et avions suivi les recommandations du médecin. Nous protestons : J'ai été physiquement actif et je n'ai jamais fumé, mais regardez mon voisin qui était allongé sur le canapé tout le temps et fumait vingt cigarettes par jour. Pourtant, c'est moi qui est malade et pas lui! Pourquoi ai-je mérité cette injustice ? Une telle personne aigrie se plaint souvent.
Néanmoins, il existe aussi une autre compréhension de la santé. Nous pouvons la voir comme un don de Dieu que nous devrions utiliser moins pour notre plaisir mais davantage pour faire Sa volonté et pour servir les autres. Nous devons être les gardiens conscients de ce don et ne pas le gaspiller. Nous devons aussi comprendre que nous ne contrôlons pas toutes les choses dans notre vie. Ainsi, lorsqu'une maladie nous arrive, nous ne devons pas la considérer comme une malchance, mais plutôt comme une possibilité de croissance intérieure et, en fin de compte, comme une étape de notre marche vers le salut. La compréhension de la santé de cette manière nous rapproche de Dieu et nous rend plus disposés à faire Sa volonté, et à agir comme l'Évangile nous l'enseigne : "Cherchez d'abord Son royaume et Sa justice". C'est exactement cet aspect de la santé que nous soulignons dans notre chaîne. Nous l'appelons l’aspect spirituel de la santé.
Pourquoi devons-nous garder à l'esprit l'aspect spirituel de notre santé ? D'un point de vue laïc, quels sont les avantages de le faire?
Cette vue de la santé est une source d’une grande force intérieure ce qui nous permet de résister aux adversités. Par exemple, Saint Job le Juste avait perdu sa santé, il avait également perdu sa femme, ses enfants et son patrimoine. Aux yeux de la plupart des personnes laïques, il n'aurait plus aucune raison de vivre. Le diable s'attendait à ce que Job devienne aigri et rebelle. Il s'attendait à ce que celui-ci dise : "J'ai été juste, j'ai tout fait correctement, et le Seigneur me punit quand même." Au lieu de cela, il est resté fidèle à Dieu jusqu'à la fin. Et finalement, Dieu a récompensé Job par Sa grâce.
Voici un exemple plus récent tiré de la vie de Saint Jean de Cronstadt. Alors qu'en 1892 il servait à Cronstadt, une épidémie de choléra s'était répandue dans toute la Russie. Sa ville était mise en quarantaine. Un jour, un bateau suédois s'est approché du port. Une grande partie de son équipage était atteinte du choléra et le capitaine du bateau a envoyé un appel pour de l'aide médicale. Les autorités de la ville avaient constitué une équipe de médecins, et le père Jean a obtenu la permission de les accompagner. Ils sont montés à bord et ont vu une scène épouvantable se dérouler devant eux. Les marins se sont allongés sur le pont, tous convulsés et en grande souffrance. Alors, qu’est-ce que le père Jean a fait? Il a prié pour l'équipage pendant que les médecins russes faisaient leur travail. Et pendant qu'il priait, les pleurs se sont arrêtés, et les convulsions ont cessé. L'équipage s'est senti beaucoup mieux. Ils ont tous survécu. Saint Jean est resté en quarantaine pendant deux semaines. Il n'avait pas contracté le choléra.
Si vous me demandiez en tant que médecin le commentaire sur ce cas, j'aurais très peu à vous dire. Il nous enseigne cependant que la négativité, la colère et le courroux affectent notre état spirituel, et par conséquent, notre capacité à résister aux maladies. Au contraire, la prière et les Saints Sacrements renforcent notre esprit et notre corps. La récente épidémie de coronavirus nous a montré la même chose. Elle nous a rappelé vivement la nécessité de fortifier notre foi, de persister dans la prière et de rester toujours en conversation avec Dieu. Nous ne pouvons pas conserver notre santé sans prendre soin de son aspect spirituel.
Dans ce monde imparfait, les dangers pour la santé humaine abondent. Comment pouvons-nous apprendre à ne pas avoir peur? Que conseillez-vous à nos lecteurs?
La modération et le respect du juste milieu sont de véritables dons de Dieu. Nous devons apprendre à être patients et fermes et à suivre la volonté de Dieu. Cela ne doit pas nous empêcher d'être actifs, mais nous devons veiller à ne pas nous aigrir lorsque les choses ne vont pas comme nous le souhaitons. Nous devons réserver notre jugement et ne pas accuser les autres. Ainsi, nous aurons la capacité de surmonter les épreuves de notre vie.
Je vous souhaite à tous de grandir dans votre foi, de reconnaître son lien avec notre santé et notre bien-être et de garder vos âmes et vos esprits. Que Dieu nous sauve et nous protège tous!
Par Alexander Piskunov et Yan Malov